Rien ne se perd – Cloé Mehdi
Coup de coeurAuteur : Cloé Mehdi
Genre : Roman noir
Nombre de pages : 272
Éditions Jigal (Mai 2016)
Matthia, onze ans, habite chez son tuteur, Zé, en couple avec Gabrielle, qui n’en est pas à sa première tentative de suicide.
Il y a longtemps, dans la ville dans laquelle la famille de Matthia habitait, une bavure policière a été commise et un jeune de quinze ans, Saïd, a été tué. Ensuite, plus rien n’a été pareil. La tristesse, la colère et l’incompréhension ont envahi leur quotidien et sa famille a explosé.
Aujourd’hui, bizarrement des tags représentant le visage de Saïd recouvrent de nouveau les murs de son quartier. Des tags réclamant que justice soit faite. Pourquoi ? Et surtout, pourquoi la vérité éclaterait-elle maintenant ?
Dans le cadre de la préparation du Festival Sans Nom, j’ai découvert des auteurs qui m’étaient inconnus. Cloé Mehdi en fait partie et je ne suis que trop heureuse de l’avoir lue.
Rien ne se perd est un livre qui m’aura autant marquée que le film La Haine en 1995. Sans jamais maquiller le présent, l’auteur présente avec force une situation pourrie par le temps. Les faits, rien que les faits. Mais, chacun sait qu’il y a toujours deux versions de l’histoire…
Matthia n’était même pas né lorsque Saïd a été tué. Et pourtant, il a vécu avec la sourde angoisse qu’on lui cachait quelque chose. Son père interné en HP, sa mère qui n’est plus en mesure de s’occuper de lui, son frère ainé qui l’indiffère et sa soeur qui disparait pour ne plus avoir à gérer ce quotidien qui lui pèse… sa famille s’est disloquée. Son seul soutien, quand il est là, c’est Zé, un jeune homme de vingt-quatre ans que son père avait connu en HP, devenu son tuteur.
Quand les choses dépassent la limite de ce que tu peux supporter, il faut changer d’angle de vue.
Avec un enfant de onze ans comme personnage principal, le roman de Chloé Mehdi est criant de vérité. Matthia aimerait vivre sa vie simplement mais il ne le peut pas. Avec l’instabilité ambiante qui règne chez Zé, des hommes louches – certainement de la police – qui les suit et sa mère qui a disparu, rien ne va plus. Alors, forcé de grandir plus tôt que prévu, il cherche à comprendre. La vérité finit toujours par se savoir, c’est bien connu. Il ne tient qu’à lui de poser les questions auxquelles personne n’a jamais voulu répondre. Mais surtout d’obtenir des réponses…
Quand j’étais petit, je croyais que les grands ne pleuraient jamais. J’ai compris plus tard qu’ils se cachaient pour le faire. Maintenant, je me méfie. J’ai appris à regarder au-delà de ce qu’on veut bien me montrer, puisque l’essentiel les adultes le gardent toujours pour eux.
Terriblement lucide, Cloé Mehdi nous offre une vision très sombre de notre société moderne. Ses personnages son brisés, usés, à bout de force. On leur a tout pris, jusqu’à leur dignité. Alors, entre une zone de non-droit et une soif de vengeance, souffle le vent de la justice. Et comme les femmes ne sont pas en reste dans le travail de mémoire, et qu’elles prennent souvent des risques, c’est à elles qu’il revient d’agir. Pour ne jamais oublier.
Mais j’ai pris le parti, il y a longtemps, de me concentrer sur les belles choses et de négliger les mauvaises, même si ça requiert une attention de tous les instants et que je n’en ai pas souvent la force.
Rien ne se perd est un roman noir que je vous recommande vivement. Poignant. Marquant. Inoubliable.
Présentation du roman aux Éditions Jigal
A propos de l’auteur :
Cloé Mehdi est née au printemps 1992. Elle commence à écrire au collège pour faire passer le temps plus vite. S’en suit Monstres en cavale, son premier roman, qui reçoit le Prix de Beaune 2014. Puis, avec Rien ne se perd, elle reçoit le Prix Étudiant du Polar 2016, le Prix Dora Suarez 2017 et le prestigieux Prix Mystère de la Critique 2017.
Je n’ai pas lu ce livre, mais j’ai beaucoup parlé avec Cloé Mehdi samedi dernier à Mulhouse et elle m’a vraiment donné envie de le découvrir. Ta chronique est top Caroline.
Ah merci ! Tu as bien fait de discuter avec elle et tu verras, son roman est une vraie claque 😉