
Je vous aimais, terriblement – Jeremy Gavron
Roman étrangerAuteur : Jeremy Gavron
Traduit de l’anglais par Héloïse Esquié
Genre : Roman étranger
Nombre de pages : 336
Sonatine Éditions (16 février 2017)
Jeremy Gavron a quatre ans à peine lorsque, quelques jours avant Noël 1965, sa mère, Hannah, le dépose à l'école, va chez une amie dont elle a la clé de l'appartement, ouvre le gaz et décède.
À l'époque, le suicide est un sujet tabou. Alors on n'en parle pas. Puis son père se remarie, Jeremy et son frère ainé, Simon, grandissent, d'autres arrivent et la vie continue. Dans leur maison, pas de photos d'Hannah, on n'y fait jamais allusion. La seule trace de cette femme est quelques exemplaires d'un livre qu'elle a écrit sur des étagères.
En 2005, l'auteur, Jeremy Gavron, a 45 ans lorsque son frère décède d'une crise cardiaque. Malheureux, mais d'une certaine façon libéré de l'emprise de son grand frère, Jeremy Gavron décide de partir à la recherche des causes de la mort tragique de sa mère.
Je remercie sincèrement les Éditions Sonatine pour la découverte du livre de Jeremy Gavron, qui est son premier livre traduit en français.
Ma mère était une femme qui cherchait des solutions. Le suicide était une solution.
Brillante, libre, belle, amusée, impétueuse, amoureuse, passionnée, gaie, drôle, innocente, de bonne humeur, souriante, entière… tels sont les adjectifs qui qualifient Hannah Gavron. Et pourtant, à tout juste 29 ans, elle décide de mourir.
Comment expliquer cette tragédie ? Dans quel état d'esprit était elle pour avoir à ce point envie de mourir ? Et surtout pourquoi ? La principale intéressée n'étant plus là pour en parler, ces questions resteront probablement à jamais sans réponse.
Ce titre, Je vous aimais, terriblement, est ce qui m'a fait choisir ce livre. Un premier contact important car, malgré un sujet grave, j'avais envie de lire cette enquête d'un fils sur la disparition de sa mère. Cette phrase étant la seule trace qu'elle ait laissée avant de mourir, elle voulait que ses enfants sachent qu'elle les aimait et avec cet adverbe en plus, "terriblement".
En entamant ma lecture qui retrace la vie d'Hannah de sa naissance à sa mort, j'avais mal au cœur. J'étais mal à l'aise car si la fin est connue, on ne peut s'empêcher de se rattacher à des petits moments de bonheur qui auraient dû prendre le dessus sur une décision pareille. D'autant qu'elle n'était pas dépressive, loin de là. Mais ça n'a pas été le cas.
Après près de quarante ans de silence, Jeremy Gavron brûle de tout savoir. Avec une énergie profonde, il reprend contact avec toutes les personnes qui ont connu sa mère et retrace, comme un enquêteur, un à un tous les évènements de sa vie.
Son père étant toujours en vie, à force de persuasion, il réussit à le faire parler. Il retrouve aussi un journal tenu par son grand-père, le père d'Hannah, qui est riche en détails. Enfin, il remet la main sur des lettres que sa mère écrivait à une amie. Des lettres qui ponctuent le livre en guise de confidences, et qui en disent long sur sa personnalité, ses choix de vie, ses espoirs et ses désillusions.
S'il est impossible de comprendre les cause de son suicide, il est en revanche certain qu'Hannah était une femme entière, qui voulait tout : une vie de femme moderne alliant les enfants, le travail et la féminité.
Elle qui a écrit L’Epouse captive était en avance sur son époque : féministe avant l'heure, elle avait entamé un débat anticipé, celui du statut et du rôle des femmes dans la société actuelle (en 1960…).
Je vous aimais, terriblement n'est pas un livre sur le suicide, c'est un acte d'amour d'un fils pour sa mère, pour mieux la connaître, pour essayer de la comprendre et pour d'une certaine façon revivre à ses côtés. Aucun voyeurisme dans les souvenirs présentés, au contraire, beaucoup de finesse dans l'expression des sentiments. Un livre poignant.
Tous les suicides laissent place à un certain degré de perplexité. Il s'agit de l'acte humain le plus difficile à comprendre car il va à l'encontre de l'hypothèse fondamentale qui sous-tend notre existence – que la vie a un sens, une valeur -, mais aussi parce qu'il ne laisse personne pour l'expliquer. Les meurtriers, au moins, on peut les interroger, mais un suicide est un meurtre dans lequel le tueur est aussi la victime : la raison, le mobile, meurt avec l'acte.
Présentation du roman aux Éditions Sonatine
A propos de l’auteur :
Jeremy Gavron est né en 1961 et habite Londres. Ancien correspondant de presse à l’étranger, il a vécu en Inde et en Afrique. Il est l’auteur de trois romans et de deux essais. Je vous aimais, terriblement est son premier ouvrage traduit en français.
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