Abraham et fils – Martin Winckler
Coup de coeur . Littérature françaiseAuteur : Martin Winckler
Genre : Littérature française
Nombre de pages : 576
Editeur : P.O.L (11 février 2016)
Abraham est médecin. Avec son fils, Franz, ils ont du quitter l’Algérie, partir aux États-Unis pour finalement arriver en France, au printemps 1963, à Tilliers-en-Beauce, et ce à bord d’une Dauphine jaune. Abraham reprend le cabinet du docteur Fresnay et s’installe avec son fils dans une grande maison. Franz, qui n’a aucun souvenir de sa vie avant ses huit ans, va à l’école du village.
Ainsi débute la vie d’un père et de son fils qui vont devoir s’intégrer dans la France du Général de Gaulle, dix-huit ans après la fin de la seconde guerre mondiale.
Abraham et fils est le roman du mois de septembre lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE.
Quel bonheur de ne pas savoir à l’avance lorsqu’un livre va vous surprendre.
Je suis très heureuse de faire partie du Grand Prix des Lectrices ELLE, car sans cette aventure, je serais certainement passée à côté (n’ayons pas peur des mots) d’un chef-d’œuvre.
Edité chez P.O.L., ce pavé de près de 600 pages, dont la couverture est blanche et le titre écrit en bleu est d’un aspect extérieur peu attirant. Ou plutôt, sélectif. Mais, pour les connaisseurs, certains diront que P.O.L. a ses références, d’autres que Martin Winckler est une valeur sûre. L’un dans l’autre, on sait à la simple prise en main de l’ouvrage que nous allons vivre une expérience.
Dès le départ, on se prend d’amitié pour ce duo attachant : un papa médecin qui a vécu d’autres vies avant d’arriver en France, et son fils de dix ans qui n’a aucun souvenir de sa vie d’avant et donc aucune certitude exceptée celle qu’Abraham est son père et qu’il l’aime profondément.
Les chapitres alternent la vision d’un narrateur omniscient qui joue le rôle d’observateur et nous informe de l’évolution des choses, avec celle de Franz qui, du haut de ses 10 ans, aime écouter les autres et nous restituer ce qu’il entend, voit ou comprend. J’ai beaucoup aimé cette façon de raconter l’histoire, avec des mots simples et une richesse de vocabulaire qui, en bon français, varie selon le narrateur.
Ces deux protagonistes font connaissance avec les autres habitants du village et notamment Claire et sa fille Luciane qui rapidement viennent (co)habiter dans la maison du Docteur.
Abraham est un homme bon, respectable et respecté qui s’intègre facilement dans la vie locale. Franz est un gentil garçon, respectueux, qui travaille bien à l’école. D’un naturel curieux et rêveur, il lit beaucoup, s’intéresse aux autres et laisse son esprit vagabonder avec ses personnages de fiction. Mais parfois, la réalité rattrape la fiction et Franz se retrouve au cœur d’une histoire incroyable.
Plonger dans cette époque du milieu des années 60 est une aubaine. J’imagine la France du Général, les commémorations d’après-guerre, les soupçons et non-dits qui persistent, mais aussi (plus réjouissant) les débuts de la télévision et de la série Zorro, l’émergence des Beatles, la boite de lait concentré dans la porte du réfrigérateur et les diatribes du Canard Enchaîné…
Lire Abraham et fils c’est un peu comme si le temps s’était arrêté. Chacun retournerait en enfance. Pour grandir, il serait important de prendre le temps de se parler, de s’écouter aussi, d’apprendre à mieux se connaître, se faire confiance, s’entraider. Observer comment nous nous imprégnons du monde qui nous entoure, quels effets ont sur nous les événements sociaux, culturels et politiques et en quoi cela influence nos choix de vie.
Abraham et fils est un roman magnifique, superbement écrit et de façon originale (vous comprendrez en lisant par exemple le chapitre 75 «Franz délire»). L’auteur se plait à interpeller son lecteur (car oui je suis convaincue que l’auteur joue avec nous) et à créer une sorte de complicité. Comme un musicien interprète une partition, un instant j’ai rêvé (déliré ?) que l’auteur guettait ma réaction pour écrire la suite des aventures d’Abraham et de Franz.
De nombreux facteurs peuvent changer le cours d’une vie mais j’aime penser que l’on est acteur de sa vie. Vous l’aurez compris, l’histoire de cette relation père-fils est un véritable coup de coeur ! Merci Martin Winckler pour ce magnifique moment que j’ai passé en compagnie de vos personnages.
En fin d’ouvrage, il est écrit que «Abraham, Claire, Luciane et Franz reviendront dans Les Histoires de Franz». Abraham et fils est le premier volet d’un cycle qui devrait compter cinq romans. Je m’en réjouis !
Présentation du roman aux Editions P.O.L.
Un jour, Luciane m’a demandé pourquoi souvent je ne disais rien.
Je n’ai pas su lui répondre à ce moment-là. A présent, je crois que je sais. Si je ne dis rien, c’est parce que je suis trop occupé à regarder, à écouter et à essayer de comprendre ce qu’on m’a dit. Tout le monde a des histoires à raconter. Et moi, je veux connaître toute l’histoire, alors j’écoute jusqu’au bout. Et une fois que c’est fini, je repasse l’histoire dans ma tête. Les mots ou les moments qui m’ont le plus impressionné, que j’ai le plus aimés.
Et puis, je regarde ceux qui racontent. Leurs yeux, leur bouche, leur visage, leurs mains. Je les regarde parce que souvent leur corps dit autre chose que leurs mots. Ils disent oui en secouant la tête, ou parlent en regardant de l’autre côté. C’est comme s’ils racontaient deux histoires en même temps. Et souvent, je passe du temps à me demander su les deux histoires vont bien ensemble.
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A propos de l’auteur :
Marc Zaffran, né le 22 février 1955 à Alger, est un médecin français, connu sous l’unique pseudonyme de Martin Winckler, comme romancier et essayiste.
Outre son site internet, Martin Winckler anime un blog littéraire : « Cavalier des touches » et un blog consacré à l’éthique du soin : « L’école des soignants ».
Vous pouvez le contacter par mail : martinwinckler@gmail.com
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600 pages ! Les pavés me font toujours peur, si je ne suis pas séduite dès le départ c’est la casse assuré. Mais au vu de cette superbe chronique, il n’est pas impossible que je finisse par me laisser tenter 🙂
Franchement je ne l’aurais jamais choisi toute seule mais j’ai tout de suite beaucoup aimé le ton et l’écriture. Je te le prêterais bien 😉
Bon je le mets sur ma liste tu as fini de me convaincre 🙂
😉