Le bureau d’éclaircissement des destins – Gaëlle Nohant
Coup de coeurAuteur : Gaëlle Nohant
Genre : Littérature française
Nombre de pages : 416
Éditions Grasset (4 janvier 2023)
Irène, une française émigrée en Allemagne après s’être mariée avec un allemand en 1990, travaille à l’International Tracing Service, le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. De nos jours, alors qu’elle est divorcée et que son fils grandit, elle s’implique encore plus dans son travail d’investigation.
Au début du roman, en 2016, Irène se voit confier une nouvelle mission : retrouver les descendants des déportés pour leur remettre les objets dont le centre a hérité à la libération des camps. Et parmi eux, un Pierrot de tissu terni…
Merci aux Éditions Grasset pour la lecture du nouveau roman de Gaëlle Nohant.
Coup de coeur démesuré pour Irène, sa mission, ses collègues, et tous ceux présents ici ou ailleurs !
Une histoire passionnante
J’aime tellement les livres qui reviennent sur un pan de l’Histoire sous couvert de fiction. Ici, si les personnages sont fictifs, l’ITT est bien réel (il deviendra en 2019 les « Archives Arolsen« , le plus important centre de documentation, d’information et de recherche au monde sur la persécution national-socialiste, le travail forcé et la Shoah). Non seulement je ne savais pas qu’il existait, mais en plus je ne m’étais jamais demandé ce qu’étaient devenus les « objets perdus » des personnes disparues.
Ainsi, dès le départ, avec ce Pierrot usé par le temps, puis très vite la découverte d’un médaillon, Irène se sent investie d’une mission. Cela va au-delà de son travail, c’est une nécessité pour elle qui s’implique tant dans ses recherches. D’autant que, cette fois, en plus des objets et des milliers d’archives disponibles, Irène est amenée à rencontrer des descendants, à recueillir leurs témoignages, leurs regrets. Et parfois l’espoir aussi.
De l’ITT, nous suivrons Irène à Varsovie, Paris, Berlin, Thessalonique ou même en Argentine. Car c’est bien connu, les familles traversent les frontières. Quand il est possible de retrouver leur trace !
Autre pan de l’Histoire dans l’histoire : les centaines de milliers d’enfants enlevés par le Troisième Reich pour les germaniser et les faire adopter par des familles allemandes. Et le dilemme à l’issue de la guerre : les laisser vivre dans cette nouvelle famille dans laquelle ils se sont intégrés ou essayer de retrouver leurs vrais parents pour réunir les membres d’une même famille (qui a à cause de la guerre été disloquée) ?
Un portrait de femme volontaire et courageuse
Irène porte le roman. Je me suis immédiatement attachée à cette maman solo, française exilée en Allemagne, ayant divorcée tôt, mais qui est tout de même restée dans ce pays étranger, par amour pour son fils. Et de son travail aussi, car si Irène n’avait pas le droit pendant longtemps de parler de son métier, désormais l’ITT est connu et son intérêt reconnu. Avec ce que cela comporte de secrets révélés, surprises inattendues et complications éventuelles.
Néanmoins, c’est une femme juste, adroite et foncièrement bonne. Et c’est avec entièreté qu’elle s’implique dans sa mission. Entourée de personnes bienveillantes, elle déniche des indices qui la font avancer petit à petit. Et même si parfois c’est difficile, si son parcours est semé d’embuches, elle persèvère. Allant même jusqu’à se demander parfois à quel point faut-il qu’elle creuse une piste, car les descendants n’ont peut-être pas tous envie de savoir ce qui est arrivé à leurs proches (et c’est leur droit).
Dans l’ombre d’Irène, il y a Eva, sa mentor disparue, celle grâce à qui elle en est arrivée là. Et le duo fonctionne à merveille.
Un livre brillamment réussi
Le bureau d’éclaircissement des destins est un roman brillant, intense et puissant. Qui repose sur des bases solides, pertinentes et historiques. L’autrice a réussi à entremêler l’histoire du Monde avec une fiction captivante. Et en son coeur, le pardon, le travail de mémoire et la paix.
Même si on ne répare personne, songe Irène en s’essuyant les yeux, si l’on peut rendre à quelqu’un un peu de ce qui lui a été volé, sans bien savoir ce qu’on lui rend, rien n’est tout à fait perdu.
La plume de Gaëlle Nohant est délicate, précise et aiguisée. Elle restitue les sentiments de ses personnages dans un beau roman après s’être finement documentée. Elle l’a dit elle-même, elle a rencontré une archiviste française qui travaille aux Archives d’Arolsen mais aussi des bénévoles dévoués qui tentent de retrouver les descendants des victimes du nazisme. D’ailleurs la restitution d’objets auprès de déportés est toujours d’actualité ! Un réel plaisir lorsque la fiction flirte avec la réalité.
Ou comment rendre hommage à des anonymes dont il est essentiel de se souvenir. Un travail d’écriture remarquable !
Présentation du roman aux Éditions Grasset
A propos de l’autrice : Gaëlle Nohant a publié quatre romans dont La part des flammes ; un roman biographique sur Robert Desnos, Légende d’un dormeur éveillé, et La femme révélée.
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